Après une carrière de comédien indépendant à Paris de 1960 à 1968, Richard Martin dirige à Marseille le Théâtre Massalia et fonde en 1971, d’un hangar construit en 36 dans un quartier défavorisé, le Théâtre Toursky. C’était, disait-on en ce temps, une grande folie que de rêver installer dans un quartier populaire et blessé une action théâtrale décentralisée.
L’idée même de création semblait à presque tous une utopie.
En 1974, son orientation artistique et citoyenne débouche sur une création pionnière. Il équipe un autobus, le Théâtrobus, et égrène ses spectacles dans les cités. Conduire sa troupe aux pieds des tours était une façon originale d’inscrire le théâtre dans les quartiers.
Pugnace et isolée, l’équipe du Toursky creuse son sillon. Ateliers, débats, collaboration avec le tissu associatif, les échanges avec les habitants se multiplient. Sa démarche est d’autant plus inédite qu’à l’époque, ni le travail social, ni la Politique de la Ville n’existaient dans les quartiers.
Le théâtre, arme du droit humain, doit être l’amplification de nos colères, de nos révoltes, de nos utopies et de nos rêves, fédérant les exclus et les poètes, tissant avec la démocratie l’objectif de sauvegarde des droits de l’esprit.
Défendant farouchement l’idée que l’Art peut changer le social et les mentalités en combattant l’obscurantisme, Richard Martin et son théâtre n’avaient pas fini de poser les questions entre quartier, Méditerranée et citoyenneté.
Pendant 52 ans, menant un combat innovant hors des sentiers battus et des chemins conventionnels, convaincu qu’un théâtre replié sur ses propres valeurs et sa propre histoire est condamné à l’épuisement, Richard Martin n’a cessé de se battre pour présenter à tous les publics les courants majeurs de la création théâtrale contemporaine française mais aussi internationale. Utilisant les différences culturelles comme une force, il crée un lieu singulier ouvert sur l’international dans lequel l’artiste est un messager qui se bat contre la bêtise et l’intolérance avec pour seule arme… des cris d’oiseaux.
Richard nous a quitté le 16 octobre 2023.
Une perte gigantesque, irremplaçable pour son épouse, le monde de la culture et bien au-delà…
Il a demandé à sa femme Françoise Martin Delvalée de poursuivre son oeuvre et lui a confié le Toursky et sa Cie Richard Martin.
" Le théâtre Toursky est un lieu emblématique de la culture à Marseille. Il doit absolument vivre. Mon soutien à Richard Martin."
" Il faut conserver ce lieu culturel dans un quartier populaire de Marseille. Merci Richard Martin..."
" On ne peux pas vivre sans le Toursky et Richard Martin ! "
"Je soutiens le beau travail de Richard Martin, mieux que beaucoup des théâtres parisiens."
" Mère célibataire, ce théâtre m a permis de partager la culture avec mes 3 enfants grâce aux tarifs préférentiels défendus par la politique du quartier menée par Richard Martin et son équipe! Une culture accessible à tous est un privilège. Je n’oublie pas !"
"C est un lieu exceptionnel. Sucrez les subventions et vous fermerez la porte de la culture à la population la plus modeste. Pire que la misère financière il y a la misère morale ! Pour un quartier qui est le plus pauvre de France... au delà d un théâtre ? C est tout un quartier et Richard et son équipe font vivre un quartier défavorisé et lui amènent la culture. Il aide l'intégration. "
" Soutien à M. MARTIN et au théâtre TOURSKY qui est le seul théâtre marseillais que nous fréquentons, que nous aimons et qui serait une énorme perte s'il venait à fermer."
" Richard Martin n’est pas dans les clous ???? Mais c’est précisément parce qu’il n’y a jamais été qu’il a créé ce théâtre avec une passion démesurée. Ce théâtre est un des joyaux de la ville. Qu’on lui donne plutôt les moyens de développer son action sous la houlette de son directeur hors norme, au service de tous et du lien fraternel entre les personnes."
LE COMÉDIEN
"Comédien, le talent de Richard Martin est aujourd’hui internationalement reconnu : avec force, avec pudeur, à la fois tendre, touchant, révolté et pathétique, il se bat avec le verbe et une sensibilité particulière qui touche à l’intelligence du cœur "
- Libération
Il a tourné, entre autres pour le cinéma ou la télévision, sous la direction de : Michel Polac, René Lucot, Nat Lilenstein, Roger Kahane, Jacques Cornet, Bernard Queyzanne, Bernard Bouthier, Eric Le Hung, Jean Dasque, Jacques Ordines, Jean Prat, Yves-André Hubert, Guy Lessertisseur, Gérard Clément, Jean- Louis Fournier, Yves Gautier, Claude Faraldo, Maurice Frydland, Yves Boisset, Bertrand Blier, Oleg Fessenko, Roustam Ibraguimbekhov, Franck Appréderis...
Au théâtre il a joué dans une cinquantaine de pièces, et deux opéras sous la direction d'Antoine Bourseiller pour l'Opéra de Nancy.
Il a également enregistré 8 CD.
LE METTEUR EN SCÈNE
Richard Martin était aussi un créateur. Sa formation de plasticien le dirige rapidement vers un théâtre basé sur l’image. Ses créations sont des voyages poétiques au coeur de la misère, une plongée dans l’encre de la vie. Un théâtre total, démesuré.
Sa vision décrit le quotidien de ces marginaux oubliés qu’il peints sans fard avec un réalisme à la fois drôle, léger, révolté ou désespéré, mais toujours avec tendresse. Ses mises en scène, baroques et surréalistes, donnent à voir cent choses à la fois. Elles montrent ce que le verbe ne dit pas, sans jamais diriger le regard du spectateur, créant ainsi un sentiment de liberté.
Ces fresques sont des spectacles où le visuel frappe d’entrée mais où le texte, s’il existe est remarquable par sa qualité et où la musique par ses moyens actuels emplit l’espace. Ces spectacles ont été présentés et sont partis régulièrement en tournée dans le monde entier.